Recife, Mars 2008.
Après deux mois de découverte de la vie nordestine en plein carnaval, véritable ministère populaire, on m’offrit l’opportunité de faire une résidence au Musée de Murillo La Greca, à la limite d’une quartier favorisé et d’un autre nettement moins. Cette tension permanente entre misère et exubérance de moyens avait fini par avoir raison de mon besoin de cohérence, et m’abandonnant au paradoxe propre à la vie latine, j’élaborai les plans d’une machine infernale qui contiendrait à elle seule tout ce qu’il y a de poésie et de violence, de commencement et de fin, d’origine et de destination, de lourd et d’aérien, de France et de Brésil.
Une fronde comme en utilisent les enfants dans les rues de Casa Amarela pour tirer les oiseaux, mais géante. Cinq mètres de bambou, de caoutchouc et de béton pour envoyer des projectiles dans le fleuve coulant sans se douter de rien de l’autre côté de la rue passant devant le musée.
Rien de moins que des noix de coco en guise de projectiles, dans lesquels je plaçai des poissons combattants. Bleu, Blanc et Rouge, trois Bêta pêchés dans le Capibaribe. Ce petit tour de passe-passe, renvoyer des poissons à l’environnement auquel ils avaient été initialement arrachés, m’avait, par son absurdité, semblé contenir une virgule de vérité.
Des noix de coco, emblèmes brésiliens s’il en est, contenant de bêtes poissons aux couleurs d’un pays dont les valeurs existent surtout dans les fantasmes des gens qui n’y vivent pas; voilà une rencontre aussi absurde que la somme de tous les clichés qu’un peuple peut nourrir quant à un autre.
Des idées, rien que des idées, auxquelles on donne des drapeaux et des noms de cocktails improbables.
La badoque n’est qu’un coup d’épée dans l’eau, tout comme, parfois, les grands projets que l’humanité s’est construit à elle-même.